La trame sonore d'écH2osystème
Au loin sur le quai, un navire de pêche se hisse hors de l'eau pour l'hiver. Ni une, ni deux, je cours pour y assister. Sans avoir le temps de préparer le matériel sonore, vite, il faut capter. Je sors mon téléphone. J'enregistre, je photographie, je filme. On me raconte l'hivernage à travers les engrenages. Le son de la voix se mêle à celle des treuils. Tout n'est pas compréhensible sur ces enregistrements... Mais quand je les réécoute, me voilà sur le quai. Le son n'est pas parfait, mais il est directement sorti du chalut du moment présent.
Le paysage sonore d'écH2osystème ne sera pas parfait esthétiquement mais il vibrera de son authenticité. Le fait que chaque son ait été pris sur le vif lui donne un caractère vécu, bien vivant. C'est cette logique qui m'a amenée vers cette idée d'esthétique in vivo.
La démarche de création de la trame d'écH2osystème suit le sillon de celles du cinéma direct de Pierre Perrault, du film Léviathan (Castaing-Taylor, 2012) filmé au moyen de caméras Go Pros sur le pont d'un chalutier ou des paysages sonores des grands concepteurs que sont Pierre Schaeffer et Luc Ferrari.
Elle mettra en valeur le milieu maritime et la connaissance de ses acteurs qui ont collaboré au récit d'écH2osystème. Aucun élément externe pris d'une banque sonore ou recréé artificiellement ne sera intégré. Assembler ces milliers de fragments représente un défi, bien sûr, mais cette logique in vivo est essentielle à l'exactitude de ce récit qui se veut une fenêtre sur l'écosystème du Saint-Laurent.
Sur le pont des navires, impossible de mettre l'épaule à la roue en même temps que de tenir une perche avec un micro. Impossible de mettre des micros-cravates sur des vestes de sauvetage en plein déploiement d'un carottier à piston à 320 mètres de profondeur dans le golfe. Le téléphone dans le fond de la poche de mon Mustang enregistre pendant que je donne un coup de main à l'extraction des carottes géologiques. On verra bien si ce sera possible d'en extraire quelque chose... Mais par la suite, en réécoutant, je plonge dans le Saint-Laurent. Toute la question est de jongler avec les bruits venant notamment des grues ou du vent, pour se laisser aller sur les courants. J'ai dû apprendre à mixer ces éléments en mettant en valeur toutes leurs imperfections pour qu'ils vibrent au gré de ce vent, ce vent qui me gelait le visage, mais qui me rappelle le caractère extraordinaire de ces déploiements.