Paysage sonore


Au loin sur le quai, un navire de pêche se hisse hors de l'eau pour l'hiver. Ni une, ni deux, je cours pour y assister. Sans avoir le temps de préparer le matériel sonore, vite, il faut capter. Je sors mon téléphone. J'enregistre, je photographie, je filme. On me raconte l'hivernage à travers les engrenages. Le son de la voix se mêle à celle des treuils. Tout n'est pas compréhensible sur ces enregistrements...  Mais quand je les réécoute, me voilà sur le quai. Le son n'est pas parfait, mais il est directement sorti du chalut du moment présent. 

Si chaque image qui compose ce site internet recèle une mémoire de la traversée d'écH2osystème, il en va de même au niveau sonore de la trame du spectacle prévu en septembre 2024. 

La trame sonore se compose exclusivement d'éléments provenant de la traversée d'écH2osystème.  On y entendra les voix des collaborateurs et collaboratrices, le son des treuils, des moteurs, du vent, des oiseaux, des souffles, des cornes de brume, des criards, des vagues, des souffles.

Le paysage sonore d'écH2osystème ne sera pas parfait esthétiquement mais il vibrera de son authenticité. Le fait que chaque son ait été pris sur le vif lui donne un caractère vécu, bien vivant. Il n'y aura aucune musique ajoutée, sauf les quelques mélodies qui se sont parfois retrouvées dans les enregistrements.

La démarche de création de la trame d'écH2osystème suit le sillon de celles du cinéma direct de Pierre Perrault (Trilogie de l'Île-aux-Coudres, ONF, Pour la suite du monde (1962), Le règne du jour (1967), Les voitures d'eau (1968)), ainsi que du film Léviathan (Castaing-Taylor, 2012), filmé au moyen de caméras Go Pros sur le pont d'un chalutier ou encore des paysages sonores des grands concepteurs que sont Pierre Schaeffer et Luc Ferrari. 

Elle mettra en valeur le milieu maritime et la connaissance de ses acteurs et actrices qui ont collaboré au récit d'écH2osystème. Aucun élément externe pris d'une banque sonore ou recréé artificiellement ne sera intégré. Assembler ces milliers de fragments représente un défi, bien sûr, mais cette logique in vivo est essentielle à l'exactitude de ce récit qui se veut une fenêtre sur l'écosystème du Saint-Laurent.

Sur le pont des navires, impossible de mettre l'épaule à la roue en même temps que de tenir une perche avec un micro. Impossible de mettre des micros-cravates sur des vestes de sauvetage en plein déploiement d'un carottier à piston à 320 mètres de profondeur dans le golfe. Le téléphone dans le fond de la poche de mon Mustang enregistre pendant que je donne un coup de main à l'extraction des carottes géologiques. On verra bien si ce sera possible d'en extraire quelque chose... Mais par la suite, en réécoutant, je plonge dans le Saint-Laurent. Toute la question est de jongler avec les bruits venant notamment des grues ou du vent, pour se laisser aller sur les courants. J'ai dû apprendre à mixer ces éléments en mettant en valeur toutes leurs imperfections pour qu'ils vibrent au gré de ce vent, ce vent qui me gelait le visage, mais qui me rappelle le caractère extraordinaire de ces déploiements.