Appel à la mer et biographie

L'appel à la mer de Geneviève Dupéré

En juillet 2017, je me pose sur les rochers surplombant l’estuaire, lorsque gronde un appel à la mer. Après 20 années à parcourir les théâtres du monde à un rythme effréné, point cet horizon de réflexivité.

D'un continent à l'autre, je suis en avion plusieurs fois par semaine, propulsée sur des projets toujours plus surdimensionnés. Le stade de Sotchi commence à sombrer à peine sa construction terminée. Les opéras sont grandioses mais éphémères. Empreints de gigantisme, l'empreinte environnementale des projets qui m'aspirent me fait réfléchir. Souffle un géant du Saint-Laurent. 

Le fleuve me prend sur son cours. L’écho du célèbre scientifique, pionnier de l’écologie moderne, Pierre Dansereau, retentit. 

Afin de penser en tout à l’environnement, deux exigences apparemment contradictoires doivent être satisfaites : une connaissance réelle dans un domaine (n’importe quel domaine) et une capacité de relation par transfert à partir de ce domaine.  (1973, p. 53) 

Est-ce que ma connaissance des arts du cirque et ma capacité de relation par transfert à partir de mon domaine scénique me permettraient de penser en tout au Saint-Laurent ?

Je quitte ma carrière et je pars à la découverte. Mon doctorat me donne la latitude d'une exploratrice. Pendant cinq années, je rencontre plus de 300 acteurs et actrices du fleuve, venant des sciences marines et des eaux douces, de la pêche et de l’industrie maritime et portuaire. Je navigue à bord de navires de recherche, brise-glace, barges, barques, remorqueurs, traversiers, vraquiers. Du fleuve au golfe, j’assiste au décorticage des appâts, à la photo-dentification des rorquals, au déploiement des filets de zooplancton, à la relève des casiers de crabes des neiges, au déglaçage de la voie maritime, aux manœuvres de pilotage sur le tronçon fluvial. De ce sillage, émerge écH2osystème dont le processus de recherche-création s’imprègne de connaissances scientifiques et sectorielles, de savoir-faire et de milliers de mémoires qui s’amoncellent.


Entretien qui raconte écH2osystème, réalisé par Idylle Arts Vivants dans le cadre du projet : Communauté des possibles. 


Biographie


Geneviève Dupéré navigue entre les arts vivants, les sciences et le Saint-Laurent en tant que conceptrice, chercheure et timonière d’écH2osystème : du fleuve à la scène. Chercheure au Centre de recherche de l’École nationale de cirque (HUPR), professeure à l’École nationale de théâtre, chargée de cours à la maîtrise en environnement et développement durable à l’Université de Montréal, elle explore la complexité du Saint-Laurent depuis 2017. 


Entre 2018 et 2023, elle crée au cours de son doctorat le modèle écH2osystémique, un modèle intersectoriel de recherche-création, figurant la complexité des écosystèmes et des questions environnementales à partir d’une approche collaborative sur le terrain. D’un autre ordre, ses premiers travaux sur la maritimité remontent à 2015, où elle est directrice du contenu artistique, historique et maritime du projet phare du 375e anniversaire de Montréal, Avudo. (2017,Cie Finzi Pasca). En amont, elle parcourt le monde durant 20 années en création et en tournée. Elle oeuvre sur des projets allant du cirque à l’opéra. Elle fait entre autres partie des équipes de création de spectacles d’envergure tels que Luzia (2016, Cirque du Soleil, spécialiste du jeu scénique), deux cérémonies olympiques et paralympiques (2014, Cie Finzi Pasca, 9 chorégraphies aériennes), Unikkaaqtuat (2020, 7 Doigts de la main, Artcirq, Taqqut, direction de création).