Mot de la timonière
En timonerie, en salle des machines comme sur le pont d'un navire, on met l’épaule à la roue. L'équipage s’adapte en permanence et veille les uns sur les autres. C'était aussi ainsi durant mes années de tournées. Mayday, mayday, mayday. Maritime et cirque appellent tous deux vigilance et bienveillance. L'appel à la mer et l'appel à l'acrobatie prennent les vagues de la même manière. C’est sur l’une de ces vagues que se dévoile ma voie navigable, du fleuve à la scène.
Suite aux quatre dernières années, contre vents et marées, mais également au gré des courants qui m’ont propulsée et de la passion insufflée, j'ai appris à ramer. J’ai peu à peu intégré le langage maritime qui s'est arrimé à mon langage circassien. Un langage acrobatique maritime semble en émerger. Pour y plonger, je suis devenue chercheure-timonière.
Je ne connaissais pas le fonctionnement d’un propulseur d’étrave, le son de l’ancrage d’un vraquier, les corporations de pilotage, la fascine surplombant l’estran jusqu’au ventre d’un cheval blanc, la boette dans la boîte d’appâts, le phénomène d’eutrophisation, les blooms de plancton ou la bouée Viking de la station Riki. Du premier élan de Pierre Béland, Julie Carrière me hisse vers l’avant et Céline Audet voit loin devant. Nombreux sont les acteurs du Saint-Laurent qui collaborent à ce récit. Je vous remercie profondément, tout comme je vous remercie de votre confiance et des liens qui se sont noués entre nous. Je ne m'explique pas rationnellement le raz-de-marée qui a enrichi ce projet qui compte aujourd'hui plus de 200 collaborateurs au contenu et des milliers de mémoires vivantes qui irriguent l’inimaginable depuis 2017.
Suite à ces quelques années du fleuve au golfe, je reviens vers mon milieu des arts du cirque, au son des échos, à bord du O, les pieds ancrés, le regard teinté de mer, d'estuaire, de fleuve. Le fleuve de ma mère, celui-là même qui court les veines de mes pairs.
Plus grand que nature, ce fleuve me porte et me submerge depuis 4 ans et jusque sur les battures de la complexité du Saint-Laurent. Écosystème extraordinaire, nous en sommes à ce point interdépendants. J'ai donc imaginé une fenêtre démesurée sur celui-ci, une roue qui tourne sur ce qui nous y relie. Construite en chantier naval, elle sera dévoilée prochainement. Accrochée sur les berges, elle permettra de voguer sur un récit du fleuve au golfe, pour traverser du fleuve à la scène.
Bienvenue à bord et bonne traversée,
Geneviève
Parée pour la prochaine décennie des Grands Lacs à l’Arctique ;)